iPad Air à 15€ : MediaWorld exige le retour des tablettes, un bras de fer juridique inédit commence

Nous avons tous déjà rêvé de tomber sur « l’erreur du siècle » en naviguant sur une boutique en ligne : un smartphone dernier cri ou une télévision affichés à un prix ridicule à cause d’un bug informatique. Généralement, la commande est annulée par le marchand avant l’expédition, invoquant une erreur technique.

Mais parfois, le colis arrive. C’est là que la situation se complique et que le débat juridique s’enflamme. En France comme ailleurs en Europe, la réception du produit marque-t-elle la fin de l’histoire et la victoire du consommateur ? Pas si sûr, comme le montre cette affaire retentissante qui secoue nos voisins italiens.

L’affaire des tablettes à prix cassé

L’incident concerne la chaîne de magasins MediaWorld (l’équivalent de MediaMarkt). Récemment, suite à une erreur d’étiquetage numérique, des centaines d’iPad Air ont été vendus sur leur site pour environ 15 euros, alors que leur prix catalogue est de 869 euros.

Contrairement aux procédures habituelles d’annulation immédiate, de nombreuses commandes ont été validées, expédiées et réceptionnées par les clients. C’est après coup que l’enseigne a réagi. Aujourd’hui, MediaWorld envoie des courriers de mise en demeure aux acheteurs, exigeant soit le retour du matériel, soit le paiement de la différence (plus de 850 euros), menaçant de poursuites judiciaires pour « enrichissement sans cause ».

La mécanique de l’erreur et de la riposte

Comment une telle bévue est-elle possible ? Il s’agit souvent d’une erreur de virgule ou d’une mauvaise synchronisation de base de données.

  • L’argument de l’enseigne : MediaWorld invoque l’erreur « reconnaissable ». Selon eux, tout consommateur de bonne foi sait qu’un iPad neuf ne coûte pas le prix d’une pizza. L’erreur est si flagrante qu’elle annulerait le consentement du vendeur à la vente.
  • La réponse des clients : Beaucoup refusent de rendre l’appareil, arguant qu’une vente est parfaite dès qu’il y a accord sur la chose et le prix, et que l’erreur vient du professionnel, pas du client.

Ce que vous risquez en tant qu’acheteur

Cette affaire illustre un risque réel pour les chasseurs de bons plans, y compris en France.

  • Le risque juridique : Si vous refusez de rendre l’objet, l’enseigne peut théoriquement vous assigner en justice. Même si c’est rare pour de petits montants, pour des objets de valeur (comme ici), le risque existe.
  • La notion de « Bonne Foi » : C’est le cœur du problème. Si le juge estime que vous saviez pertinemment qu’il s’agissait d’une erreur (ce qui est évident pour un iPad à 15€), vous pourriez être condamné à rendre le produit et à payer les frais de justice.

Prix « dérisoire » vs « Bonne affaire »

Pour comprendre l’issue probable, il faut comparer avec la jurisprudence, qui est assez similaire en France et en Italie.

  • Cas du prix dérisoire : Si le prix est sans rapport avec la valeur réelle (ex : une TV 4K à 10€), la vente est nulle. Les tribunaux français ont souvent tranché en faveur des commerçants (comme lors de l’affaire des 3 Suisses par le passé).
  • Cas du prix « bradé » : Si l’iPad avait été affiché à 400€ (au lieu de 800€), le doute serait permis (promo flash, déstockage). Dans ce cas, le client garde généralement le produit. Ici, avec 15€, l’écart est trop grand pour plaider l’ignorance.

Que faire si cela vous arrive ? (Check-list)

Si vous tombez sur une erreur similaire sur un site français, voici comment réagir prudemment :

  1. Ne revendez pas l’objet immédiatement : Si la vente est annulée rétroactivement, vous devrez rendre l’appareil. Si vous ne l’avez plus, vous devrez le rembourser au prix fort.
  2. Gardez l’emballage fermé : Tant que le délai de rétractation ou de contestation du vendeur n’est pas passé, gardez le produit intact.
  3. Vérifiez les CGV : Regardez les conditions générales de vente du site concernant les erreurs d’affichage.
  4. Attendez le contact : Si le vendeur ne se manifeste pas après quelques semaines, le risque diminue, mais la prescription est longue (5 ans en droit commun, bien que rarement appliquée pour ces cas).

Le verdict des experts

Les juristes sont divisés sur la méthode agressive de MediaWorld. Si le fondement juridique de l’annulation pour « vil prix » (prix dérisoire) est solide, la gestion de crise est désastreuse en termes d’image.

  • Le consensus : Un prix inférieur à 2 % de la valeur réelle (15€ vs 869€) est indéfendable devant un tribunal commercial. L’erreur matérielle est manifeste.
  • L’exception : La seule chance des consommateurs serait de prouver que l’enseigne a validé la commande manuellement à un moment donné, confirmant ainsi le prix, mais c’est peu probable dans un processus automatisé.

Une leçon de prudence

Cette saga italienne sert d’avertissement. Sur Internet, si c’est trop beau pour être vrai, c’est probablement une erreur qui ne jouera pas en votre faveur. Profiter d’un bug peut sembler amusant, mais cela peut déboucher sur des tracas administratifs dont on se passerait bien. Mieux vaut parfois laisser passer l’affaire du siècle plutôt que de recevoir une lettre d’avocat.

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